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Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?

de Philippe de Chauveron

avec Christian Clavier, Chantal Lauby

 

 

Comédie, 1h37 (France).

Sortie le 16 avril 2014.

Les Verneuil sont très catholiques, mais trois de leurs filles sont mariées avec un juif, un arabe et un chinois. Les repas de famille sont déjà un peu tendus, mais c'est sans compter la quatrième et son fiancé... ivoirien !

  Et l'AP du mois : 

 

 

Palo Alto, de Gia Coppola

 

 

My Sweet Pepper Land

de Hiner Saleem

avec Golshifteh Farahani, Korkmaz Arslan

 

 

 

Drame, 1h35 (All./France/Kurdistan).

Sortie le 9 avril 2014.

Une jeune institutrice (Govend) et un commandant de police (Baran) arrivent en même temps dans un petit village des montagnes kurdes, où règne encore un chef tribal corrompu (Aziz Aga).

My Sweet Pepper Land

L’affiche et le titre m’avaient donné envie, j’y lisais la promesse d’un film esthétique et poétique, et d’un drame teinté d’espoir. Bref : quelque chose de beau et de subtil, qui ne soit pas misérabiliste ou plombant. Eh bien, l’affiche n’a pas menti, mes attentes ont été satisfaites et même dépassées. Outre la beauté des paysages (et de Golshifteh Farahani, et des yeux de Korkmaz Arslan), le ton est particulièrement original : sorte de western kurde, il y a un humour très discret qui m’a beaucoup séduite.

 

Les caractéristiques du western sont toutes là : dans l’image, d’abord, avec les paysages arides des montagnes kurdes qui n’ont rien à envier aux Rocheuses, les longues chevauchées à la tombée de la nuit, les contrebandiers et les rebelles qui se cachent dans la nature sauvage, etc. Dans le scénario, bien sûr : Baran et son adjoint doivent établir une forme d’ordre moderne dans une zone figée dans un système archaïque, incarné par Aziz Aga (chef tribal qui a juste troqué les plumes pour le keffieh). Les deux cowboys obéissent au schéma classique (depuis Cervantès au moins) du leader viril à la gâchette facile et au coeur tendre, et de son faire-valoir «comique» (mais tout en subtilité, ce n’est pas du tout un comique du ridicule). Faute de saloon, c’est dans l’auberge locale («Pepper Land») que les fils de l’intrigue se nouent, dans une séquence courte mais éminemment westernesque où des regards suffisent à faire comprendre l’essentiel (l’histoire d’amour, l’exclusion des deux héros, la lutte de pouvoir).

 

Hiner Saleem s’amuse avec les codes du western, indéniablement, mais je ne veux pas parler de parodie car c’est avant tout un film subtil, à mille lieues de toute exagération. Il y a bien sûr des clins d’oeil moqueurs aux genres du western et du road-movie, le plus explicite étant sans doute la superposition d’un défilé militaire et d’une bande-son rock/country sautillante, au moment où Baran fait - joyeusement - route vers Qamarian, ce village perdu où personne ne veut aller. Mais on est loin d’une simple satire du western (même si transposer ce genre américain par excellence dans un pays du Proche-Orient est ironique en soi !), la démarche d’Hiner Saleem est fondamentalement positive : il ne cherche pas à tourner le genre en ridicule, au contraire il le revisite, l’adapte, en fait quelque chose de neuf.

 

Vous l’aurez compris, j’ai trouvé le traitement vraiment intéressant et la subtilité est à mon sens la qualité majeure de ce film. Les protagonistes (rebelles, idéalistes) emportent immédiatement l’adhésion totale du spectateur, on pourrait donc reprocher le manque de nuance dans l’opposition gentils / méchants, mais même cela reste subtil car on ne trouve ni la mièvrerie ni le pathos larmoyant qui devraient normalement découler de ce manichéisme.

 

PS : petit aparté sur les splendeurs et misères du sous-titrage :

FRERE DE GOVEND : Govend, tu es notre honneur.

(Quelques instants plus tard, ils se battent et elle tombe dans la boue.)

FRERE DE GOVEND : Il faut laver notre honneur !

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Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?

Annoncé comme LA grosse comédie française de l’année, ce film a tout pour être populaire : un bon casting (Chantal Lauby est top dans son rôle de bourgeoise catho), un scénario simple, des bons sentiments, des répliques drôles et des situations cocasses. Bienvenue chez les Ch’tis, version diversité. Tout est fait pour qu’on passe un bon moment, sans trop réfléchir, et les clichés racistes ne sont pas présentés de manière lourdingue donc on rit. À part le père du futur gendre qui m'a mise mal à l'aise plus qu'il ne m'a fait rire, tant il ressemble au cliché colonial du "nègre", la représentation XIXe de l'homme noir en cannibale effrayant, proférant des menaces de sauvage et roulant les yeux de manière archi-outrancière...

 

Il se trouve que j’avais la tête dans Molière quand je suis allée voir le film, et en sortant je me suis dit que la comédie n’avait pas tellement changé depuis le XVIIe : castigat ridendo mores, ici guérir les gens de leur racisme en tournant en ridicule un couple blanc-bourgeois-catho-de-droite. Mais, outre le fait que c’est quand même moins fin que Molière (!), j’ai le sentiment que c’est aussi beaucoup moins efficace. Voire contre-productif : au fond, la vraie morale du film n’est pas tant « le racisme, c’est mal » mais plutôt « oh allez, on est tous un peu racistes, c’est pas si grave ». On ne s’en rend pas compte sur le coup, on se dit « c’est bien qu’ils aient montré qu’il n’y a pas que les Blancs qui sont racistes », et c’était sans doute l’intention de Philippe de Chauveron, mais on aboutit en réalité à un corollaire dangereux : « bon ben du coup, si les Noirs, les Arabes, etc. sont racistes aussi, y’a pas de raison qu’on change » (on = le public blanc raciste, en l’occurrence). Même si les personnages ne sont pas du tout faits pour être crédibles et qu'on ne risque donc pas de prendre quoi que ce soit au premier degré (du moins j'espère), il y a quand même une banalisation du racisme assez gênante.

 

L’autre problème, qui m’a peut-être dérangée davantage (en tant que française blanche qui n’est pas confrontée directement au racisme), c’est le traitement des clichés français : boire, manger, pêcher, chanter la Marseillaise la main sur le coeur... Ces clichés-là ne sont pas présentés au second degré comme le sont les clichés racistes, ils font partie de l’histoire, on n’est pas supposé en rire. J'ose croire que le spectateur français ne s’arrête pas à ça, il est dans l’univers du film, il sait que cette France-là est caricaturale, qu’elle est un décor simplifié pour les besoins du film. Mais les spectateurs étrangers - américains au premier chef - ne seront pas à même de faire la part des choses de la même manière... Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu pour être représentés comme ça à l’international ? Et je passe sur le sexisme sous-jacent (pour les deux générations), je n'y fais presque plus attention tellement c'est omniprésent : les femmes à la cuisine pendant que les maris parlent "sérieusement" pour régler les problèmes, d'homme à homme... 

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  A V R I L   2 0 1 4  

The Best Offer

de Giuseppe Tornatore

avec Geoffrey Rush, Jim Sturgess, Sylvia Hoeks

 

 

 

Romance / Thriller, 2h11 (Italie).

Sortie le 16 avril 2014.

Virgil Oldman, commissaire-priseur réputé, reçoit l’appel d’une jeune héritière qui souhaite organiser une vente. Mais celle-ci n’accepte de communiquer que par téléphone...

The Best Offer

The Best Offer est un film étrange. En fait, c’est deux films étranges. Ça commence comme une histoire d’amour mystérieuse et romanesque, et ça finit en thriller, tout aussi mystérieux mais relativement moins original. 

 

Le personnage de Virgil Oldman, excellemment interprété par Geoffrey Rush, est un homme solitaire - voire misanthrope -, très riche et élégant. D’une timidité maladive à l’égard des femmes, il collectionne des portraits féminins dans une grande pièce de son grand hôtel particulier. Quant à Claire Ibbetson, la jeune héritière qui fait appel à ses services, elle n’est d’abord qu’une voix (pour le spectateur également, contrairement à Her). On apprend qu’elle fuit tout contact humain et n’a pas quitté sa chambre depuis des années. Le spectateur s’attend bien sûr à ce que la rencontre de ces deux personnages permette la guérison de Claire, mais, en mineur, Virgil Oldman évolue également et apprend à affronter ses peurs, naturellement, sans vraiment s’en apercevoir. Il est aidé en cela par son jeune ami Robert (le très mignon Jim Sturgess), aussi doué en matière d’engrenages que pour ce qui touche aux mécanismes de la séduction.

 

L’histoire de la relation si particulière qui naît entre deux personnages qui ont toujours eu peur de l’Autre suffirait à mon avis à faire un très bon film, surtout avec cette esthétique à la fois évidente et subtile que déploie Tornatore en exploitant la présence diégétique de l’art (la salle des portraits, la villa alibabaesque des Ibbetson, la reconstitution de l’automate de Vaucanson). Et pourtant un basculement s’opère vers le thriller à un moment donné : je ne veux rien révéler, mais qui est vraiment Claire ? et Robert ? 

 

Plutôt qu’un dénouement plat et mièvre de comédie romantique, ce changement de genre inattendu donne au film une fin complexe et énigmatique que l’on rumine pendant un moment. Pour ma part, j’aurais préféré rester dans l’atmosphère romanesque, "éthérée" (otherworldly), que toute la première partie du film installe. J’aurais préféré sortir de la salle en repensant au rapport à l’art qu’entretiennent les deux personnages, comment il se modifie lorsqu’ils ont autre chose à aimer, etc. Par exemple, la scène où Virgil s’isole dans sa galerie de portraits, déjà amoureux de Claire sans l’avoir jamais vue, est saisissante : on comprend qu’il essaie de lui donner un visage, qu’il voit Claire en chacun de ces portraits. 

 

La fin ne peut qu’être décevante, au sens où elle est inappropriée, puisqu’elle coupe court à la poésie du film et le transforme en une banale euqanra’d eriotsih (je n’ai pas trouvé mieux pour éviter les spoilers que d’écrire les expressions trop explicites à l’envers...). En elle-même, elle est virtuose, jouant sur la surprise et l’implicite pour impliquer le spectateur, mais elle ne va pas avec le film. Elle fascine, mais détourne l’attention de ce qui faisait, tout le long, la richesse du film : la relation entre deux misanthropes et, à travers cela, l’exploration poétique et esthétique des liens entre l’art, la réalité, l’amour, le passé. Je suis ressortie comme frustrée, alors que j'étais complètement sous le charme pendant l'essentiel du film.

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