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Her

de Spike Jonze

avec Joaquin Phoenix, Scarlett Johansson, Amy Adams, Olivia Wilde

 

 

Comédie dramatique, 2h00 (US).

Sortie le 19 mars 2014.

Dans l'ombre de Mary
(Saving Mr. Banks)

 

de John Lee Hancock

avec Emma Thompson, Tom Hanks, Paul Giamatti

 

Biopic, 2h05 (US/UK/Australie).

Sortie le 5 mars 2014.

Walt Disney a promis à ses filles qu'il porterait Mary Poppins à l'écran. Reste à convaincre son auteur, la très-britannique P. L. Travers, de confier son histoire au grand magicien de Hollywood... Supercalifragilisticexpialidocious !

Her

Je me débarrasse pour commencer d’un détail, pas si anecdotique tout de même : le titre ! Pourquoi les distributeurs français ne l’ont pas traduit ?? Essayez de dire «Bonjour, deux places pour Her, s’il vous plaît» ou «- Tu vas voir quoi? - Her.» : soit vous dites «heure», soit vous dites «hhher», dans les deux cas on ne vous comprend pas et c’est ridicule. Pas comme si le titre était difficile à traduire, en l’occurrence ! Cela étant dit, c’est un film formidable. Il peut paraître un peu long par moments, parce que quand même, on ne voit globalement que Joaquin Phoenix pendant 2h, mais c’est un film qui lance des pistes, qui pose des questions, qui donne à réfléchir. Qui est bouillonnant, sous des airs d’eau qui dort.

 

Je n’ai pas pu m’empêcher de trouver à Theodore des airs de Leonard de The Big Bang Theory, dans le genre geek-nounours ultra-attachant -- avec en bonus le prénom vieillot et les lunettes qui semblent perpétuellement mal mises. Séparé de sa femme depuis près d’un an, il s’achète un OS (Operating System), intelligence artificelle dotée d’une vraie personnalité (l’évolution ultime de Siri), dont il tombe rapidement amoureux. Le film repose donc avant tout sur lui et sur la voix de Scarlett Johansson, mais l’on voit quand même de temps en temps Amy Adams, une amie de Theodore dont le couple bat de l’aile et va servir en quelque sorte d’étalon à l’aune duquel on peut évaluer la relation virtuelle de Theodore. Autre étalon, les couples anonymes pour lesquels Theodore rédige des lettres, en sa qualité d’écrivain public (lettres d’amour, lettres de remerciement, que les gens ne se donnent plus la peine d’écrire eux-mêmes).

 

Alors qu’est-ce qu’un couple ? Qu’est-ce qu’une relation amoureuse ? Et surtout, quel rôle joue le corps dans cette relation ? Peut-on dissocier corps et personnalité ? Le corps est-il superflu ? Quid de la jalousie dans une relation immatérielle ? L’amour virtuel est-il irrémédiablement platonique ? Peut-il avoir la même légitimité et la même force que l’amour charnel ? Peut-on vivre de phone sex et d’eau fraîche ?

 

Her fourmille de ces questions, qui titillent l’esprit du spectateur et provoquent chez lui un véritable enthousiasme par toutes les perspectives qu’il ouvre. On accompagne le couple dans les problématiques nouvelles qu’il rencontre : par exemple, pour pallier l’impossibilité de la relation sexuelle, Samantha (l’OS) la délègue à un substitut, un corps muet qui doit lui servir d’avatar dans le monde physique. L’illusion semble fonctionner pour Theodore tant que le corps est de dos, mais dès qu’il voit sa bouche, les lèvres immobiles contredisent la voix qu’il entend dans son oreillette et le charme est rompu. Un peu comme si vous essayiez de coucher avec un personnage d’un film doublé, dont le corps et la voix sont séparés...

 

Le cinéma montre parfois ces limites pour traiter ce sujet, puisqu’il s’agit d’une relation immatérielle où le dialogue devient monologue (longues séquences de gros plan sur Joaquin Phoenix), mais en réalité la question de la dissociation corps/voix n’est nulle part plus pertinente qu’au cinéma. Dans la séquence du pique-nique par exemple, Jonze joue avec le hors-champ pour nous faire oublier «l’acorporalité» de Samantha. On se prend à imaginer qu’elle est là, en chair et en os, hors cadre,... puis la caméra filme l’espèce d’iPod d’où sort la voix.

 

Bref, il y aurait beaucoup à dire encore mais je vais m’en tenir là. C’est indéniablement un film à voir, et à revoir car un seul visionnage ne suffit pas à percevoir la profondeur des enjeux et de la réflexion sous-jacente. Dernière chose, je suis partagée sur le choix de Scarlett Johansson : bien sûr, elle était une évidence pour développer le thème de la séduction par la voix (elle a peut-être bien la voix la plus sexy de Hollywood), mais en même temps, parce qu’on la connaît, sa voix est justement indissociable de son corps. Le spectateur a une image mentale que Theodore n’a pas, aussi aurait-il été intéressant de choisir une parfaite inconnue pour le rôle de Samantha, afin qu’elle ne soit qu’une voix, une entité purement virtuelle.

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Dans un futur plus ou moins proche, l'homme sait créer des entités informatiques dotées d'une personnalité, des OS (Operating System) intelligents. Theodore tombe amoureux de sa compagne virtuelle...

Dans l'ombre de Mary

P. L. Travers arrive à Hollywood bien décidée à ne pas laisser Mr. Disney faire ce qu’il veut de son livre, mais le travail sur le scénario fait ressurgir en elle des souvenirs d’enfance, et l’air californien adoucit petit à petit ses moeurs britanniques... Le spectateur, tout comme Walt, comprend progressivement qui est vraiment P. L. Travers et pourquoi ce livre a tellement d’importance pour elle. Saving Mr. Banks raconte la genèse de Mary Poppins, mais aussi le sauvetage de P. L. Travers elle-même, qui finit par faire la paix avec son passé grâce au film (et donc grâce à Walt, bien sûr).

 

Porté par un Tom Hanks et une Emma Thompson irréprochables, ce film a un vrai charme, tant pour les fans de Mary Poppins, qui se régaleront des clins d'oeil, que pour les autres, qui reconnaîtront forcément au moins les chansons. Néanmoins, un biopic signé Disney, ça paraît quand même violemment paradoxal - surtout quand Walt lui-même est un personnage du film. A-t-on jamais vu un Disney réaliste et crédible ! Et pourtant, en un sens, le film ne nous ment pas : non pas parce qu’il nous donne un aperçu fidèle de la vie réelle de P. L. Travers, mais parce qu’il ne prétend pas être autre chose qu’un Disney. Le scénario est basé sur une histoire vraie, certes, mais il est mis en scène de manière à ce que l’on n’oublie pas que c’est un conte avant tout.

 

Chansons, personnages aux traits exagérés, happy end prévisible : aucun doute possible, c’est un Disney ! Aussi Emma Thompson n’est-elle pas brillante parce qu’elle incarne P. L. Travers avec brio, mais parce qu’elle joue P. L. Travers version Disney à la perfection, avec ce mélange de conviction et de second degré qui caractérise le jeu des acteurs dans les Disney (exemple au hasard : Julie Andrews !). De même pour Tom Hanks, qui joue un Walt Disney trop gentil pour être vrai, et pour cause : il n'est pas Walt Disney, il est la version Disney de Walt. Ã€ la fin, la vraie P. L. Travers fait entendre sa voix pour dissiper toute confusion : Saving Mr. Banks est un hommage, tant à Walt qu’à Travers, et non une reproduction fidèle de leur relation.

 

Finalement, un biopic signé Disney, ça ne peut qu’être un film honnête, car si la plupart des biopics veulent nous faire oublier qu’ils sont inévitablement biaisés, la "magie Disney" rend cette confusion impossible. À aucun moment oublie-t-on que l’on nous raconte une histoire : la réalité sert de matériau de base, pas de modèle à atteindre.

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de Alain Resnais

avec Caroline Sihol, Michel Vuillermoz, Sabine Azéma, et le reste de la troupe Resnais

 

 

Drame, 1h48 (France).

Sortie le 26 mars 2014.

Aimer, boire et chanter

Aimer, boire et chanter

Le dernier Resnais... C’est fou, quand même. C’est comme si Godard mourrait. Il avait déjà presque 80 ans quand j’ai vu pour la première fois À bout de souffle, et Resnais les avait dépassés quand j’ai vu Hiroshima mon amour : ils ont donc toujours été vieux, il n’y avait pas de raison que ça change. Et en même temps, Truffaut a toujours été mort. Mais il n’a jamais été vieux. Mon cerveau classe spontanément les cinéastes en 3 catégories : jeune / vieux / mort, et il me faut donc un temps d’adaptation quand il y a un changement de catégorie - comme le jour où Stanley Donen est venu au Forum et où j’ai réalisé avec un enthousiasme incrédule que je ne l’avais pas classé dans la bonne catégorie... Bref.

 

Aimer, boire et chanter (ABC) : une sorte de mélange entre Smoking / No Smoking et Vous n’avez encore rien vu (VAERV), avec peut-être un soupçon d’Herbes folles. En fait, VAERV et ABC forment un diptyque à la Smoking / No Smoking : « Just Dead / Dying », deux scénarios de deuil qui ne diffèrent que par le moment de la mort, au début ou à la fin. Avec du coup deux tons opposés : à la théâtralité solennelle de VAERV répondent la simplicité, la légèreté de ABC.

 

ABC est une déclaration d’amour de Resnais à ses acteurs, encore, puisqu’il n’y a qu’eux et le décor disparaît pour qu’ils ressortent (les gros plans sur fond quadrillé créent un effet 3D particulièrement déstabilisant). Tous parfaits, à la hauteur des gros plans et des monologues qui leur sont imposés. Sabine Azéma, qui pétille de son habituelle vitalité enjouée, forme avec Caroline Silhol un duo très complice. Seul André Dussollier m’a un peu gênée, une fois n’est pas coutume, car il est trop vieux pour former un couple crédible avec Sandrine Kiberlain (ou elle trop jeune), et sa voix est trop grave, dans les deux sens du terme. Or le seul élément censé être «grave», solennel et théâtral, c’est le château de Georges, dont la vignette évocatrice d’une pierre tombale apparaît toujours sur une musique angoissante et dramatique.

 

Au fond, c’est étonnant, car tout est fait pour nous rappeler l’artificialité du film (en premier lieu les décors, bien sûr), et pourtant on l’oublie. Ou plutôt on oublie qu’on est au cinéma, on se croit au théâtre. Ou face à une émission de télé-réalité. Les acteurs évoluent dans un monde parallèle, factice (qui m’a fait penser à Oz, sans doute à cause du côté carton-pâte), ils semblent ne pas avoir conscience d’être filmés et pourtant parfois il y a ces morceaux de dialogue transformés par le réalisateur en apartés, et qui nous donnent l’impression qu’ils s’adressent directement à nous. Mais sans le savoir ni le vouloir.

 

Oui, c’est sans conteste un film novateur qui propose encore une nouvelle manière de faire du cinéma, en mélangeant les arts, les tons, les mondes. Et bien sûr, on ne voit jamais Georges mais il est toujours présent - comme Resnais.

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Georges Riley est malade, il va mourir. Ses amis, trois couples, lui proposent de jouer avec eux dans une pièce de théâtre. Les femmes se le disputent, mais laquelle choisira-t-il pour partir en vacances à Ténérife ?

  M A R S   2 0 1 4  

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